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Typologie des sceaux-cylindres orientaux : 3000 ans d'histoire

Les sceaux-cylindres on été utilisés au Proche-Orient en de très nombreux lieux, notamment ceux où l’écriture cunéiforme a été en usage entre la fin du IVe millénaire et les tout derniers siècles avant notre ère. Cela inclut, autour de la Mésopotamie, plusieurs régions d’Iran, d’Anatolie, de Syrie et du Levant.

Au cours de cette longue période, en fonction des régions, des époques, des contextes politiques, religieux et culturels, mais aussi en fonction des usages, des techniques et de l’évolution des matériaux disponibles, le répertoire des scènes gravées et de l’iconographie a connu des changements et des évolutions, avec de nombreuses variations géographiques et stylistiques.

Les ouvrages spécialisés (voir par exemple Collon 1987) parviennent ainsi à proposer une typologie des illustrations offertes par les sceaux-cylindres selon les époques et les régions, et savent y reconnaître certaines “scènes types” caractéristiques. Un très bref aperçu chronologique de ces types iconographiques est proposé ci-dessous, illustré à partir des objets de la seule collection de la BnF. Mais en dehors de ces variations chronologiques ou géographiques, on peut aussi regrouper les sceaux de façon diachronique autour de quelques grands thèmes iconographiques comme ceux retenus par le projet SESPOA : banquets, cérémonies, combats, scènes de libation, mythes et épopées, thèmes naturalistes, offrandes, scènes de présentation, vie quotidienne (voir la page “Chercher” du présent site).

IIIe millénaire avant notre ère

► Dès les époques d’Uruk et de Jemdet Nasr (3300-2900 av. J.-C.), dans le pays de Sumer, dans le Nord mésopotamien et en Iran occidental, les sceaux et les empreintes disponibles montrent une assez grande variété de styles et de sujets, autour de scènes figurées [P502777] ou de simples éléments de décoration.
► Durant la période dynastique archaïque (2900-2330 av. J.-C.), deux grands thèmes sont fréquemment illustrés : les combats entre êtres humains ou partiellement humains (hybrides humain-animal) [P502573] et les banquets liturgiques. Les premières inscriptions sur les sceaux datent de cette époque. À noter cependant que, pour toute cette période, aucune tablette cunéiforme ne comporte d'empreinte de sceau.  
► La période akkadienne (2330-2150 av. J.-C.) voit apparaître une esthétique nouvelle, notamment autour de scènes mythologiques utilisant un répertoire bien défini de personnages et d’attributs [P475997]. Ces œuvres sont particulièrement intéressantes car, selon E. Porada, “c'est la seule période où l'art mésopotamien a produit d'amples représentations narratives basées sur une mythologie dont aucun document littéraire contemporain n'a survécu” (Porada 1960: 116).
► À l’époque d’Ur III (2100-2000 av. J.-C.), le répertoire s’appauvrit, un usage immodéré étant fait désormais du thème de la “scène de présentation”, au cours de laquelle un individu humain est introduit, généralement par une déesse jouant le rôle d’intercesseur, auprès d’une figure divine (ou royale) siégeant sur son trône [P476061].


IIe millénaire avant notre ère



► À partir du début du IImillénaire avant notre ère et au cours de la période paléo-babylonienne (ou amorrite, 2000-1500 av. J.-C.), l’usage des sceaux-cylindres se répand largement hors de Mésopotamie. Les scènes de présentation restent populaires, bien qu'avec des variations dans l’arrangement et les détails iconographiques. Les divinités sont de plus en plus fréquemment représentées [P502632].
► Au milieu du IImillénaire av. notre ère, les inscriptions deviennent plus longues et commencent à occuper plus de place. À l'époque kassite notamment, alors que la qualité et la finesse des scènes gravées apparaissent moindres, des textes de prière remplissent parfois presque tout l’espace [P476265]. Au cours de la période médio-assyrienne sont introduits de nouveaux motifs animaliers, dont certains sont remarquables [P476275].
► En Syrie, entre le XVIIIet le XIIIsiècle, se développe une glyptique caractéristique, que H. Seyrig en particulier (dont la collection est aujourd’hui à la BnF) a contribué à faire connaître, et qui est en lien avec ce qui est également produit à la même époque en Anatolie, en Mésopotamie du nord (mondes hittite et hourrite), au Levant et jusqu’à Chypre [P476445].

Ier millénaire avant notre ère

► À partir du Ier millénaire avant notre ère, l’usage des sceaux-cylindres recule, puis tend à se raréfier : il est alors de plus en plus souvent remplacé par le sceau-cachet. À l’époque néo-assyrienne (IXe-VIIsiècle av. J.-C.), les particuliers et hauts dignitaires font graver sur leurs sceaux personnels des scènes plutôt religieuses. Sont également représentées des scènes de combat ou de chasse, des scènes rituelles, des génies bienfaisants, le tout plus ou moins à l’image de ce que l’on trouve sur les bas-reliefs ornant les murs des palais de cette époque [P476351]. Des motifs fréquents sont le disque ailé d’Aššur et des représentations du dieu Adad ou de la déesse Ištar.
► La période néo-babylonienne qui suit (VIsiècle) ne connaît pas de rupture par rapport à ces traditions, mais le style des sceaux devient de plus en plus épuré, avec peu d’éléments et beaucoup d’espace vide [P502558].
► Cette tendance à la simplification s’accentue à l'époque perse achéménide (Vsiècle av. J.-C.) [P476358], où l’on représente souvent également le roi sur son char ou bien le combat du roi héroïsé contre les monstres, ces scènes se déroulant sous le symbole ailé d’Ahura-Mazda.
► Les derniers sceaux-cylindres mésopotamiens, devenus rares, datent de l'époque séleucide (IVe-IIe s.) [P502828].

Les inscriptions sur les sceaux

Dès l’apparition et le développement de l’écriture cunéiforme, les sceaux ont entretenu une relation étroite avec l’écriture.

Les premières brèves légendes inscrites sur les sceaux-cylindres apparaissent au cours de la période sumérienne archaïque et elles deviennent courantes à partir de l’époque akkadienne (vers 2300 av J.-C.). Les inscriptions identifient le plus souvent le nom du propriétaire du sceau, avec parfois quelques détails supplémentaires tels que le nom de son père, un lien de parenté et/ou sa profession ou son affiliation administrative. Pour cette époque akkadienne, on peut donner l’exemple ici même du sceau de “l'épouse d’Išma-ilum” (P502550), en notant avec intérêt qu’il s’agit ici d’un sceau appartenant à une femme.

Parfois et tout au long des siècles qui suivent, une courte déclaration de loyauté envers un dieu ou un roi est ajoutée. Il peut s’agir de témoignages privés de dévotion de la part des personnes qui ont fait graver leur sceau, ou encore de sceaux provenant du roi lui-même et remis à des sujets méritants ou qui pouvaient se réclamer de lui en utilisant cet objet qui leur conférait une autorité pour sceller certains types de documents.

Durant la période kassite (milieu du IIe millénaire av. J-C.), de courtes prières apparaissent sur les sceaux (P476265).

Mais au Ier millénaire, les inscriptions, ne serait-ce que celle du nom du propriétaire du sceau, disparaissent presque complètement. Seuls les sceaux des rois ou des dieux, généralement de plus grande taille, sont parfois encore porteurs d’une longue inscription, tel le sceau du roi assyrien Sennacherib (6,4×2,8 cm, avec son capuchon décoratif), intitulé NA4.KIŠIB NAM.MEŠ, “sceau des destinées” (Wiseman 1958: 15-16).

À l’inverse des inscriptions habituellement gravées “en négatif” pour laisser une empreinte “en positif”, il peut arriver que certains textes soient inscrits en positif (voir par ex. ici même P502793 ou P476304). Ces sceaux ont sans doute alors été fabriqués pour un usage autre qu'administratif.

Au total et tout au long des siècles, la relation est souvent inverse entre la longueur de l’inscription et l’originalité de la glyptique. Comme l’a indiqué D. Collon, “moins le sceau présente d’éléments distinctifs, plus l’inscription est nécessaire comme méthode d’identification” (Collon 1982: 22).