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Matériaux utilisés, sources d'exploitation et circuits d'approvisionnement

Minéraux multiples, mais aussi os, ivoire, bois, coquillage, argile, métal : les principales matières premières exploitées pour la fabrication des sceaux sont d'une grande variété. Dénommés en fonction de leur aspect et de leur couleur, les minéraux revêtaient des symboliques particulières et des pouvoirs magiques. Le lapis-lazuli était par exemple synonyme de pouvoir et de faveur divine alors que le cristal de roche était associé aux profits. Dans la grande diversité des minéraux utilisée pour fabriquer les sceaux, les plus prisés étaient le lapis-lazuli, la cornaline, la calcédoine, l’agate et l’obsidienne. Le choix des matériaux a pu varier selon les périodes en fonction du statut et des goûts des commanditaires, de la disponibilité des minéraux dans les gisements connus et des contraintes techniques liées au degré de dureté du matériau.

Le contexte politique, les relations diplomatiques et les possibilités d'échanges à longue distance ont joué un rôle indéniable dans la fourniture des matériaux, les sources d'approvisionnement se situant principalement en Asie centrale. Les pierres précieuses, qui étaient coûteuses et se raréfiaient au fil du temps, étaient parfois imitées. Dès le milieu du IIIe millénaire, les textes économiques et les inventaires révèlent que les difficultés d’acheminement et le prix de certaines pierres ont amené les lapicides à imiter les pierres précieuses par des verres colorés comme le lapis-lazuli. Une tablette cunéiforme, copiée pour la bibliothèque de Nabuchodonosor I de Babylone (fin XIIe siècle av. J.-C.) révèle le processus de coloration d’une vraie pierre et de fabrication de faux similaires à la pierre-pappardillû qui serait de l’agate rubanée ou de l’onyx.

Datation approximative

Matériaux

5500

Dès le VIe millénaire, les sceaux découverts au nord et le long de la frontière orientale de la Mésopotamie et du Zagros étaient faits en pierres sombres très tendres, travaillées avec des outils en silex et en obsidienne. Les sceaux-cachets de la culture de Halaf étaient en diorite, en chlorite ou serpentine, en stéatite, en marbre et en cristal de roche.

3000

À la fin du IVe millénaire, on s’est mis à utiliser des pierres dures et précieuses. De grands sceaux en pierre calcaire avec une monture en métal étaient également fabriqués. À la fin de l’époque d’Uruk, la calcite était populaire à Suse et à Tello. À l’époque de Jemdet Nasr, des matériaux très durs ont été utilisés comme le cristal de roche.

2700

À l’époque des Cités-États, des pierres tendres légèrement colorées et calcaires sont généralement attestées. Le lapis-lazuli a commencé à être importé en grande quantité en Mésopotamie. Des sceaux en bitume ou en asphalte couvert d’une feuille d’or ont été découverts dans le Cimetière royal d’Ur.

2300

À l’époque akkadienne, une plus grande variété de minéraux a été utilisée pour les sceaux, la serpentine, pierre de couleur verte et noire, étant la mieux attestée. Le quartz (calcédoine, jaspe rouge et vert, cristal de roche), la diorite et les coquillages ont également été exploités. Le lapis-lazuli, de moins bonne qualité, et le calcaire ont utilisés dans une moindre mesure. Durant la période post-akkadienne, la chlorite, pierre plus tendre et à l’aspect moins vitrifiée que la serpentine, a supplanté cette dernière.

2100

À l’époque d'Ur III, la calcite, les pierres vertes et la chlorite sont essentiellement utilisées au côté du calcaire, du grenat, de l’agate. Le lapis-lazuli et le quartz semblent avoir été moins courants.

1800

Dès la fin de l'époque d'Ur III et durant la période amorrite, les pierres en oxyde de fer, au reflet métallique, font leur apparition, l’hématite étant la plus prisée. Beaucoup de sceaux de cette époque sont des sceaux d'Ur III regravés. L’usage de la goethite est attestée en Mésopotamie. En parallèle, une grande variété de pierres dures ont été employées dont l’améthyste qui pourrait provenir d’Égypte, le cristal de roche, l’obsidienne, le jaspe, la cornaline, l’agate et plus rarement l’amazonite qui est une pierre de couleur vert pomme. La magnétite, que l’on voit apparaître à la fin du XIXe siècle av. J.-C., semble avoir été employée un peu moins d’un siècle. Des pierres plus tendres comme la calcite étaient toujours employées. À cette époque, l’emploi du lapis-lazuli a nettement diminué.

1500

Les époques kassite et mitannienne sont marquées par l’usage de sceaux en faïence, en hématite, en jaspe et en calcédoine. Le verre semble avoir remplacé le lapis-lazuli.

600

Au Ier millénaire et plus particulièrement à l’époque achéménide, les pierres tendres comme la serpentine constitueraient 40% des matériaux utilisées. Les calcédoines furent les pierres de prédilection. Le lapis-lazuli est resté rare.

Gisements, localisation, extraction, approvisionnement et exploitation des matériaux

La Mésopotamie du sud, très pauvre en ressources naturelles, devait importer les minéraux dont elle avait besoin : le lapis-lazuli venait d’Afghanistan (Sar-i-Sang), du Pakistan (Monts de Chaghai) et du Tadjikistan (Pamir) ; la cornaline et l’agate provenaient d’Inde et de la Péninsule arabique ; des galets de cornaline étaient présents dans des dépôts alluvionnaires sur une partie du plateau iranien ; l’asphalte et la stéatite sont attestés au Khouzistan iranien et à Sumer ; des gisements d’hématite ont été localisés dans les régions montagneuses du Zagros ; les lapicides pouvaient s’approvisionner en diorite depuis Magan (antique Oman). Mais il est probable que la plupart des gisements antiques des minéraux soient aujourd’hui épuisés et il n’est possible de les localiser que très approximativement avec les données textuelles mentionnant l’approvisionnement en matériaux bruts et l’importation de produits finis.

Les gisements de minéraux actuels permettent à la fois de recouper certaines données et de mieux comprendre le travail d’extraction, de dégrossissage et d’acheminement des matériaux. D’après les observations faites dans les ateliers de lapicides d'aujourd'hui, on observe que l’extraction des pierres dépend du climat et s’opère de manière saisonnière. Les zones d’extraction des pierres sont préalablement chauffées avant l’utilisation d’eau froide pour fendre la roche. Extraits à l’aide d’un pic, d’un marteau et d’un ciseau, les blocs sont ensuite transportés, triés et transformés à proximité des gisements, puis dégrossis sous forme de galets. Afin de valoriser au mieux le matériau à la vente, les impuretés sont enlevées et un premier travail de taille, d’abrasion, de perforation et de polissage peut être exécuté.

Dans l'Antiquité, depuis les centres de production et les relais commerciaux d’Asie centrale et du plateau iranien, les matériaux étaient envoyés dans des centres névralgiques tels que Suse avant d’être exportés vers la Mésopotamie, le Levant et l’Égypte. Concernant le lapis-lazuli, des blocs ont été mis au jour dans des sites du plateau iranien datant de la première moitié du IVe millénaire (Zaghe, Tépé Yahya), et de Mésopotamie (Eridu, Ninive, Tepe Gawra, Arpachiyah). À partir de la seconde moitié du IVe millénaire, le lapis-lazuli a connu une diffusion massive en Asie Centrale, en Iran et en Mésopotamie (Djebel Aruda, Tépé Gawra, Ninive, Uruk), avant une nette diminution à la fin du IIIe millénaire, situation amplifiée par le déclin politique et économique de l’Iran et de l’Asie centrale à ce moment-là. Les échanges de lapis-lazuli ont repris à l’époque médio-babylonienne. Babylone était alors un centre de redistribution des pierres et minéraux provenant d’Afghanistan par voie terrestre.

Les matériaux précieux (lapis-lazuli, cornaline, or, cuivre…) étaient également importés depuis le golfe Persique par voie maritime et fluviale. Au IIIe millénaire, Magan (Oman) était un important relais pour les biens précieux venant de Meluhha (vallée de l’Indus). Au début du IIe millénaire, Dilmum (Bahreïn) entreposait et envoyait du cuivre, de l’ivoire et des pierres précieuses au port d’Ur qui les redistribuait vers l’arrière-pays mésopotamien. Par la suite, ce circuit économique déclina notamment à cause de la fin de la civilisation de l’Indus et alors que Meluhha, “pays de la cornaline”, tombait dans l’oubli. Les routes du Golfe furent rouvertes à l’époque néo-assyrienne (911-612 av. J.-C.). Plus tard, les dirigeants achéménides ont pu s’approvisionner plus facilement en matières premières grâce à leur emprise sur le vaste empire qu’ils contrôlaient.