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À l'ère du numérique

Au cours des dernières années, dans le domaine des humanités numériques, l’exploitation électronique des bases de données structurées ouvertes s’est développée bien davantage que celle des images et données visuelles. Un corpus comme celui constitué par les sceaux-cylindres mésopotamiens, notoirement difficiles à rendre en images numérisées, fait notamment partie de ceux qui pâtissent d’une telle situation.

Les nouvelles technologies d’imagerie numérique qui se développent à l’heure actuelle permettent cependant de rattraper les retards. La photographie numérique haute résolution devient de plus en plus abordable et de nouvelles méthodes d’imagerie 3D sont constamment développées. Combinées à une réduction significative des coûts de stockage des données et à l'amélioration constante de la connectivité des réseaux, ces avancées permettent aux chercheurs de produire des images meilleures et plus nombreuses et de les diffuser à l’aide de plateformes en ligne comme celle qui est proposée ici.

Méthodes de capture digitale

La dimension réduite des sceaux-cylindres, la finesse de certains de leurs détails, les variations dans les couleurs de la pierre ainsi que leur surface souvent brillante et réfléchissante, ou parfois translucide, rendent particulièrement difficiles la numérisation de ces objets et la production d'images correctement exploitables.

Diverses expériences (photogrammétrie, images 3D, etc.) ont été menées ces dernières années par les chercheurs, en Europe ou aux États-Unis, pour surmonter ces difficultés. Sont ici décrits les équipements et techniques mis au point et utilisés pour le projet SESPOA par les équipes d’Oxford et de Southampton (voir page “Crédits”).

Pour la mise en œuvre de ce procédé, les sceaux sont positionnés et maintenus verticalement sur une plateforme rotative motorisée tournant automatiquement sur 360° à une vitesse prédéterminée. Un faisceau lumineux vertical est projeté sur l’objet qui pivote sur lui-même pendant qu’un appareil photo numérique relié à un ordinateur prend une série de clichés (environ 120 images lors d’une rotation complète). Le post-traitement informatique permet ensuite d’assembler les images constituées de bandes étroites accumulées pour couvrir toute la surface du sceau.


La possibilité est gardée de modifier de façon logicielle l’angle de la lumière et de procéder automatiquement à certaines corrections nécessaires. On obtient en définitive une image haute résolution et “à plat” du déroulé du cylindre, respectant la couleur et l’aspect du matériau ; elle montre en quelque sorte à quoi ressemblerait le sceau si une fine couche de la surface du cylindre pouvait être décollée et aplatie.

En guise d’illustration supplémentaire, ont été placées côte à côte ci-dessous une planche du Catalogue publié en 1910 par L. Delaporte, qui concerne les reproductions d'empreintes de 9 sceaux-cylindres d’époque kassite (milieu du IIe millénaire avant notre ère) conservés à la BnF (à gauche), et une planche des mêmes objets, reconstituée à partir des images numérisées produites selon le procédé ici décrit (à droite).

Cette nouvelle planche permet surtout de constater la variété des matériaux et des couleurs ; ces richesse et diversité ainsi révélées pour l’époque kassite présentent un réel intérêt en soi. Et si l’ancienne planche semble offrir un meilleur coup d’œil d’ensemble des diverses scènes gravées, l’examen de détail qu’il est possible de faire de chacune des images numériques en couleur permet bien sûr une étude précise des scènes et inscriptions.

Images GIF animées

P475970 = Delap 2
P502631 = Schlum 219
P476325 = Del 357
P502699 = Seyrig 8

Images 3D, sceaux virtuels, analyse numérique

Une source spécifique de lumière supplémentaire (“structured light”) ajoutée à l'équipement permet en plus de capturer des séries de faisceaux lumineux projetés sur le sceau, en prenant cette fois des milliers d’images pendant que le cylindre tourne. L'ombre nette projetée sur le sceau par la lumière structurée est analysée lors du post-traitement et des calculs sont effectués pour permettre la production de véritables images 3D du sceau (ci-dessous à gauche). Cette méthode permet d'obtenir une “carte topographique” de la surface du sceau, que l’on peut comparer à une impression “virtuelle” (ci-dessous à droite).

Dôme photographique

Près de deux cents empreintes des sceaux-cylindres (conservées à la BnF avec les sceaux eux-mêmes) de la collection Henri Seyrig ont été numérisées grâce au dôme photographique désormais régulièrement utilisé par le CDLI (voir à ce sujet les notes de K. Wagensonner ici [en fin de la page], ou encore ici et ici). Rappelons succinctement le mode de fonctionnement de cet équipement : des lumières LED sont disposées sur la paroi interne du dôme ; connecté à un ordinateur, l’appareil numérique fixé au sommet du dôme photographie les objets posés à plat sous le dôme, à soixante-seize reprises selon différents éclairages. Le lot d’images est ensuite traité par ordinateur pour produire une image dynamique de type RTI (Reflectance Transformation Imaging).

Ces images RTI peuvent être visionnées grâce au logiciel libre RTIViewer qui permet un rééclairage interactif de l’objet photographié dans n’importe quelle direction afin de pouvoir observer des détails sous des angles et des éclairages différents (exemple avec le sceau de l’Ashmolean Museum P473353, en cliquant sur “View RTI: sa”). Les images RTI réalisées à la BnF sont disponibles mais n’ont pas pour l’instant été mises en ligne sur le site SESPOA. Sont simplement proposées ci-dessous, à titre d’exemple, deux images qui en sont issues pour montrer les possibilités offertes par les variations d'éclairage (sceau P502699).

Microscopie numérique

D’autres équipements numériques sont utilisés : ainsi le microscope USB numérique portable Dino-Lite avec possibilité de capture d’images. Relié à l’ordinateur, il permet d’observer sur écran les détails de gravure des sceaux et de les photographier pour faciliter l’étude des techniques de taille, de gravure, des perforations des sceaux-cylindres, ainsi que les particularités des matériaux.


Pour l'ensemble des techniques présentées sur cette page, de plus amples informations sont disponibles dans l’article de J. Dahl et alii, “A structured light approach for imaging ancient Near Eastern cylinder seals”, in K. Kelley and R. Wood (eds.), Digital Imaging of Artefacts: Developments in Methods and Aims, Oxford: Archaeopress, 2018.

Planches d’images numériques pour le site SESPOA
Analayse automatique des images

À partir de ces divers types de données numériques, la documentation visuelle préparée ici pour les sceaux-cylindres de la BnF et de l’Ashmolean Museum est disponible sous forme de planches enregistrées pour chaque objet sur les sites web CDLI et SESPOA. Ces planches comprennent généralement une vue latérale du sceau, de son sommet et de sa base, deux images du déroulement à plat, l’une privilégiant un rendu le plus proche possible de la matérialité du sceau et de sa couleur, l’autre avec une image inversée et un réglage permettant une lecture optimale de la scène et de l'inscription. S'y ajoutent parfois une image d’empreinte moderne, et pour finir des images de détails pris au microscope numérique Dino-Lite. Des scellements “virtuels” 3D viendront compléter ces images dès qu’ils seront disponibles

Les métadonnées enregistrées pour chaque item incluent des informations sur l’histoire de l’objet, la taille, le poids, l’analyse matérielle, la date et la provenance (si disponibles), et des informations sur l’inscription (si présente). Pour l’heure, une brève description verbale des scènes et des motifs a été ajoutée sous une forme traditionnelle, mais qui pourra être remplacée ou augmentée à l'avenir grâce aux techniques informatiques d’analyse, de reconnaissance et de comparaison des images. Il est en effet prévu d’utiliser les données numériques désormais disponibles pour favoriser l’identification, l’analyse et l'apprentissage automatique des scènes et motifs, selon les nouvelles technologies qui se développent de machine learning. Sont ainsi suivies de près les techniques innovantes d'annotation, de comparaison et de recherche d’images numériques actuellement mises en œuvre dans ce sens à Oxford (projet Seebibyte).